Association dédiée à l’entraide du monde Agricole

La Confrérie Saint-Fiacre de Rouen compte parmi ses membres un éminent spécialiste des graines potagères en la personne de Gérard Mallet.

Il est le conservateur du chou de Saint-Saëns. Il vous dit tout sur cette ancienne variété régionale mise à l’honneur, sous le haut patronage de la confrérie lors des journées portes ouvertes aux Pépinières Dupuis à Morgny-la-Pommeraye les 10 et 11 octobre 2020.

Le chou de Saint Saëns : un phénomène séculaire

L’existence du gros chou de Saint Saëns, de son vrai nom brassica oleracea capitata, authentique variété régionale normande, est attestée depuis plusieurs siècles. Elle est par exemple mentionnée dans le Traité de la culture potagère publié par le Cercle d’horticulture et botanique du département de la Seine-Inférieure en 1854. Le guide Vilmorin fait à son tour état du chou de Saint-Saëns en 1900. Ce chou cabus* bisannuel est l’un des descendants du chou brassica oleracea silvestris, une crucifère sauvage d’ampleur modeste, que l’on rencontre assez communément sur les falaises crayeuses de la côte d’Albâtre et qui exhibe d’ailleurs les mêmes couleurs chatoyantes.

Mais le chou de Saint-Saëns est énorme. Fin septembre début octobre, il peut devenir très volumineux et atteindre jusqu’à 1.30 m de diamètre !

Très répandu dans la région au XIXème et durant la première moitié du XXème siècle, ce chou géant tomba en désuétude après la Seconde Guerre mondiale. Les goûts, aussi, suivent les modes. Et ce gros chou normand ne fut bientôt plus tendance…

Sans l’opiniâtreté de Gérard MALLET, jardinier-maraîcher de Saint-Saëns, le magnifique légume aurait aujourd’hui bel et bien disparu.

*un chou cabus est un chou pommé lisse.

Promesse tenue

« Raymond HÉDOU, mon ancien patron qui était maraîcher à Saint-Saëns et auquel, j’ai plus tard, succédé, m’avait fait promettre en 1976 de garder soigneusement cette variété régionale ancienne. Elle incarnait, selon lui, un patrimoine végétal et une tradition locale à sauvegarder », confie Gérard MALLET.

Dans son ouvrage de 1930 consacré à Saint-Saëns, André LEJEUNE note : « La culture maraîchère tient une place importante à Saint-Saëns. Un chou très apprécié et connu sous le nom de chou de Saint-Saëns fait l’objet principal de la culture pratiquée par les maraîchers du bourg ».

On estime qu’entre les deux guerres plus de 100 000 plants du chou de Saint-Saëns étaient vendus chaque année dans la région pour y être repiqués au printemps. La demande s’est effondrée à partir des années 70. Dès lors, le chou n’intéressa bientôt presque plus personne.

Heureusement, grâce à Gérard MALLET, son gardien émérite, le maintien de la variété en matière d’identité et de pureté végétale est désormais assuré au niveau du groupe d’Étude et de Contrôle des variétés et semences (GEVES) et potagères anciennes pour jardiniers amateurs édité par le Groupement national interprofessionnel des semences (GNIS).

Les graines du chou de Saint-Saëns sont conservées à la station de l’INRA à PLOUDANIEL et à la Réserve mondiale de semences de SVALBARD en NORVÈGE.

Savez-vous planter les choux de Saint-Saëns ?

Vers la mi-août, on sème les graines sous châssis ombré et humide. On retire le châssis au bout de dix jours. Fin septembre, les plants déjà bien constitués sont arrachés. Après avoir coupé légèrement le bout des racines, le jardinier les « planchonne » (repique) tous les 15 cm. Ainsi passeront-ils l’hiver. Fin mars, début avril, les choux seront définitivement mis en place dans une terre riche, neutre et abondamment amendée d’un apport d’humus issu de fumier composté. Espacés d’un mètre, ils seront régulièrement binés et arrosés, le soir, par temps sec et chaud. Pour obtenir un chou un peu moins gros, on peut lui faire subir un cycle de 7 mois au lieu de 13, en reportant son semis en mars. La récolte s’opère au début de l’automne. Le chou de Saint-Saëns se conserve tout l’hiver dans une cave ou un cellier hors du gel, suspendu racine en haut et tête en bas. Il se congèle aussi très bien.

Une amoureuse du chou

Le chou de Saint-Saëns est souvent victime d’une amoureuse à la passion dévorante : la piéride du chou. Ce papillon presque tout blanc pond des dizaines d’œufs sur les feuilles. Très rapidement, les chenilles transforment ces dernières en fines dentelles…Le remède est, au choix, la pose d’un filet à insectes, une pulvérisation à base de bacillus thurigiensis microbiologique, de purin de feuilles de tomate ou d’une macération de fleurs de tanaisie, ou bien encore la plantation d’œillets d’Inde.

L’Arche du goût de Slow Food

Evènement de l’année 2016 : l’entrée du chou de Saint-Saëns au catalogue des produits de qualité et souvent oubliés de l’Arche du goût initié par Slow Food international. Les objectifs de l’Arche du goût sont de recenser les produits et savoir-faire liés et à la culture, l’histoire et les traditions. Il s’agit, notamment, de sauvegarder le patrimoine gastronomique des territoires, fussent-ils modestes.

Excellent pour la santé

Dans son ouvrage intitulé « Les choux », paru chez Actes Sud, Jean-Paul Thorez cite Caton d’Ancien qui, dans son traité « De agri cultura » remontant à 160 avant notre ère fait l’apologie du chou en ces termes : « Le chou favorise la digestion et dissipe l’ivresse. Si, dans un repas, vous désirez boire largement et manger avec appétit, mangez auparavant des choux crus, confits dans du vinaigre, et autant que bon vous semblera, mangez-en encore après le repas. Le chou entretient la santé. On l’applique, pilé, sur les plaies et tumeurs. Il guérit la mélancolie, il chasse tout, il guérit tout ».

 

     Auteurs : Rémy Lemonnier et Gérard Mallet